john.koenig a écrit:Pour moi qui suit pourtant légérement athé, j'ai été fasciné par cette approche religieuse qui pour moi à un seul but révéler la psychologie des personnages.
Que cette religiosité/spiritualité nourrisse la psychologie des personnages pour les révéler à eux-mêmes, leur donner des allures de
profondeur ou motiver leurs actes est justement ce qui me gêne, non seulement dans
Galactica mais dans bon nombres de films et série de science-fiction US. C'est un problème que je connais quasiment depuis que je m'intéresse au genre.
Il semble toujours que pour les scénaristes américains, la religion est souvent l'étape nécessaire, la condition
sine qua non pour aborder de grandes questions et étoffer leurs personnages d'après le principe selon lequel "l'être qui a la Foi est plus consistant que le vilain sceptique qui doit se sentir bien vide à l'intérieur".
Hors, l'idée selon laquelle la spiritualité donnerait plus de profondeur à un personnage est aussi aberrante (et fausse) que d'affirmer que la charité et la compassion seraient des vertus essentiellement chrétiennes. Est-ce donc si difficile pour un scénariste américain d'imaginer un personnage à la psychologie fouillée et aspirant à quelques chose qui soit plus grand que sa petite personne sans convoquer automatiquement les références bibliques ? Apparemment oui. Ce désir de sortir du "tout à l'égo" ne peut, pour les descendants du Mayflower, qu'être la "chasse gardée" de la religion. Voilà ce qui m'ennuie souvent.
Problème : 99,9 % de tout ce qui se fait en SF et fantastique au cinéma et en séries TV provient du pays du Chanoine Sam. Pas facile d'être un amateur de ces genres dans ses conditions et on n'a guère d'autre choix que d'avaler les couleuvres qui nous sont souvent servies ou changer de crémerie (mais pour quelle autre quand l'Amérique détient quasiment le monopole du genre ?).
J'ai toujours le sentiment qu'avec le cinéma (et les séries) des américains, il ne peut y avoir que deux camps (répartition classique) et ceux-ci sont souvent inégalement considérés : les pragmatiques/sceptiques bornés d'un côté, les spiritualistes/religieux à l'esprit ouvert de l'autre. Et les seconds sont presque toujours privilégiés au détriment des premiers. Quelques exemples éloquents sont données dans des séries comme
Lost (avec Locke en homme de foi qui se la joue mystérieux face à un Jack "bêtement" pragmatique) ou des films comme
Contact (voir plus bas) et
Matrix.
Pour en revenir à
Galactica et à cette saison 4 en particulier, était-il nécessaire de faire tomber certains personnages dans le potage réchauffé rempli de références judéo-chrétiennes et aux discours nébuleux du genre "je sens
quelque chose qu'il est impossible d'exprimer avec des mots", "Dieu a des projets pour toi", "J'ai eu une vision fugitive de l'Autre Rive", bref toutes ses phrases faciles censées exprimer le Grand Mystère des Choses. Dans le meilleur des cas, on pense à la célèbre phrase tirée de Hamlet : "
Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que n'en contient toute votre philosophie". Soit, je ne suis pas contre l'idée que tout ne peut pas s'expliquer par le raisonnement et une "philosophie du raisonnement" tendance nietzschéenne. Mais le fait est que les scénaristes - malgré tout le talent dont ils font preuve dans les autres sujets - le font avec une telle lourdeur que l'on est souvent plus proche des fadaises d'un Rampa (vous savez le barbu qui voient des lamas en feu dans la Prophétie des Andes qui est le lieu tellurico-sylvestre de l'Ultime Mandala ou un truc dans le genre, je synthétise
) que de Shaekespeare !
Un autre aspect du problème assez typique de leur manière de faire est le suivant :
si les discours du "messie" Baltar, fatras de lieux communs qui caresse l'auditoire dans le sens du poil en lui disant exactement ce qu'il veut entendre ("Dieu vous aime", "Vous êtes parfaits", etc...) dans un procédé démagogique classique chez tous les gourous ne nous rend pas dupes, nous spectateurs (car il est patent que cette conversion de Baltar est avant tout un moyen bien pratique pour lui de se déculpabiliser de ses fautes, un phénomène connu chez certains criminels) et que la présidente Roselyne et Adama ne le sont pas davantage (dupes), le scénario n'en fait pas moins dire à ces personnages pragmatiques que, sans le savoir, Baltar pourrait avoir "touché du doigt
quelque chose". Stratagème bien connu qui, sous couvert d'ouverture (ne négligeons aucune possibilité) est surtout encore un moyen astucieux de légitimer la direction religieuse prise par la série.
Le cas de Baltar est d'autant plus intéressant que celui-ci, ne l'oublions pas, est un scientifique. Par une méthode assez perfide dont les scénaristes US ont le secret, il était trop tentant de faire tomber l'homme de science de son piédestal arrogant en le faisant douter et épouser finalement la cause d'un spiritualisme autrement plus en faveur dans public américain (disons-le tout net : le grand public hait la science, principalement parce qu'il a du mal à en assimiler les rudiments, alors que les idées religieuses et pseudo-spirituels sont accessibles à tous).
On pourrait aussi citer le cas de Starbuck qui, de la femme-pilote pragmatique et rebelle à l'autorité, se transforme comme par hasard en visionnaire, trouvant une sorte d'illumination qui la rendrait moins superficielle, selon les valeurs US s'entend.
Ce procédé scénaristique est assez fréquent dans le cinéma US et dans sa science-fiction, comme le montre par exemple le film
Contact de Zemeckis dont la présence d'une religiosité incarnée par Matthew McConaugghey (je parle de son personnage qui, devant toute affirmation scientifique, se contente d'adopter un sourire plein de suffisance et de mystére - encore et toujours - et de nous sortir les vieilles casseroles du genre "les voies du seigneur sont impénétrables") m'a laissé perplexe. En quoi le contact avec une race extra-terrestre (qui, par ailleurs, ignore peut-être l'idée même de religiosité) doit-il obligatoirement renvoyer à la religion ? Je l'ignore mais c'est encore une approche du problème typique du "Dieu est dans toutes les questions et dans les studios de cinéma" à l'américaine.
C'est en tout cas le prétexte idéal pour ouvrir toutes grandes les vannes (célestes) du mysticisme à tout crin et faire adopter aux personnages des attitudes mystérieuses et absconses (encore ce mot, et pas dans le bon sens du terme en ce qui me concerne) qui auraient valeur, encore une fois, de profondeur. Et je ne parle même pas de Morpheus dans
Matrix dont les petites phrases philo rappellent surtout celles que l'on trouve dans les gâteaux chinois.
Mais c'est ainsi : dans la culture populaire audiovisuel américaine qui s'adresse au plus grand nombre (c'est un peu différent pour la littérature de SF où les auteurs ne convoquent pas Dieu à tout propos), il faut poser ses histoires sur des bases, des références qui ont faits leur "preuve" (si on peut utiliser ce mot ici) parmi lesquelles : la religion, la spiritualité, les images bibliques, sois-disant seuls capables, selon les critères américains, d'illustrer des questions philosophiques et métaphysiques (bref tout ce qui sort de la sphère du pur matérialisme ou de la psychologie).
Alors, oui, je regrette la direction prise par
Galactica qui fait du voyage vers la Terre une espèce de Chemin de Damas, de quête mystique à coups de visions et de prophéties (ce thème des prophéties, de L'Elu, est trop souvent exploité dans la SF, le fantastique et la fantasy américaine !).
Il était intéressant, c'est vrai, d'
intérioriser ce chemin, d'en faire un cheminement à la fois spatial mais aussi mental. Mais je l'aurais préféré nourri de philosophie-agnostique, sans qu'il soit nécessaire de faire appel à la religion ou au mysticisme, pour faire une série abordant des sujets intéressants, complexes,
profonds, troublants, qui s'attachent à la psyché humaine (ou Cylon) et étoffer des personnages.
Je pense que le mieux serait pour moi d'aborder dorénavant
Galactica comme les romans de Philip K. Dick (avec lesquels la série possèdent beaucoup de points communs) : prendre ce qui m'intéresse (le thème du simulacre, la problématique de l'identité, le pouvoir politique, les relations entre les personnages, entre autres) et ignorer sciemment tout le fatras mystico-religieux auquel l'auteur californien s'est lui-aussi adonné en bon américain.
Encore que pour les premiers épisodes de cette saison de
Galactica, ce n'est pas pas évident tant cette religiosité est omniprésente, alors que Dick savait souvent évoquer des problèmes d'ordre religieux (qui ne regardaient que lui) de manière détournée sans que cela soit trop gênant pour le lecteur réfractaire à ces idées (excepté pour la Trilogie Divine, que je n'ai de toute façon pas lue).
john.koenig a écrit:Si on n'a droit qu'a une première moitié de saison, c'est parce que seule cette moitié a été diffusée sur SciFi USA. La seconde partie ce sera pour ce moi de janvier 2009.
Voilà au moins une bonne nouvelle (malgré mes réserves). Je craignais de devoir attendre six mois pour le second coffret. Car malgré tout, Galactica reste bien sûr une série formidable sur bien des points et j'aimerais voir la fin sans trop tarder.