J’avais apprécié
Non stop, le très efficace thriller de Frédéric Mars publié il y a quatre mois dans la collection Black Moonde Hachette. Aussi ai-je entamé ce livre avec intérêt et curiosité, même si le genre dans lequel il se situe, à savoir la littérature pour ados, n’est plus tout à fait ma tasse de thé depuis quelques lustres.
L’auteur a eu une belle idée, qui lui permet d’embarquer ses lecteurs dans une histoire à la Harry Potter. Une histoire dans laquelle l’héroïne, et quelques autres adolescents ou enfants disposent d’étranges pouvoirs. L’héroïne, c’est Lara Scott. Elle a quinze ans au début du roman et sa vie est semblable à celle de beaucoup de jeunes filles : école, conflits familiaux, amis, amourettes naissantes...
Lara vit sur une île volcanique, l’île de Hometone, que vous ne trouverez sur aucune carte. Elle est en effet entourée d’une épaisse nuée et donc inconnue de nous tous car inaccessible aux bateaux, elle est invisible aussi des satellites espions les plus performants. Les 250 000 habitants de l’île connaissent (en tout cas quelques rares privilégiés) le monde extérieur, mais le monde ne les connait pas. La séparation est totale entre les deux univers. Enfin…presque totale, car comme vous allez le voir il y a parfois des visites d’un mode à l’autre.
La belle idée de l’auteur est liée à la nature des pouvoirs qu’il a imaginés pour certains des habitants de l’île. Pouvoirs dont ne peuvent bénéficier que ceux qui ne sont pas réellement amoureux (nous parlons d’un amour réciproque), c’est-à-dire plus particulièrement les enfants et les adolescents… qui s’en retrouveront privés dès qu’ils rencontreront l’âme sœur. Je sais ce que vous pensez : c’est très dur comme règle, mais après tout, l’auteur fait ce qu’il veut !
La nature des pouvoirs est indiqué clairement dans le titre du livre : ils sont des Ecriveurs. Pas des écrivains, non (quoi que…) mais des Ecriveurs : des individus capables d’écrire la vie d’autres individus, comme vous, comme moi, comme la majorité des habitants de cette planète. Car les Ecriveurs ne se contentent pas d’écrire la vie des habitants de l’île, non : ils écrivent aussi la notre. Pour faire bref, ce ne sont pas les auteurs de romans, de contes, de nouvelles, qui s’inspirent de notre vie pour en tirer des histoires pour notre plus grand plaisir de lecteur, ce sont au contraire les Ecriveurs qui vont mettre en œuvre les ressources de leur fertile imagination pour imaginer notre vie !
Ce qui veut dire que lorsque vous accomplissez un acte qui après coup va vous sembler un peu étrange, ou décalé par rapport à votre personnalité, il y a de grandes chances pour que cet acte ait été Ecrit (à votre insu, naturellement) par quelqu’un que vous ne connaitrez jamais. Et quand certains aspects de votre vie ont été écrits par d’autres, vous êtes (nous sommes) des Ecrits !
La cité lumineuse, dans laquelle sont réunis les Ecriveurs ressemble à une immense salle de jeux vidéo d’arcade. Le superviseur de Lara (le clin d’œil à Lara Croft est évidemment voulu), celui qui va lui révéler ses nouveaux pouvoirs et lui apprendre à s’en servir, Will Oberthur, est «
un jeune homme élancé d’une vingtaine d’années, aux traits fins, presque féminins, aux yeux bleus en amande, et dont la longue chevelure d’un cuivré étonnant coulait le long de ses épaules ». Voila de quoi émouvoir les cœurs de toutes les lectrices adolescentes, et même – qui sait ? – de quelques autres plus âgées…
Will apprend donc à Lara les différentes niveaux qui existent au sein de la confrérie et constituent une hiérarchie, Lara n’étant à son arrivée qu’une Révélée, c’est-à-dire pas encore une Ecriveur officielle. D’autres Ecriveurs ont des pouvoirs intéressants, comme les Bâtisseurs, qui ont la particularité de pouvoir modifier la structure physique du monde réel, son apparence. Lecteur, Brouilleur, Propagateur, Effaceur, Cibleur, Marmonneur… chaque niveau possède son nom et ses capacités propres. Nous apprenons ainsi que le Marmonneur Ecrit la vie des autres par la parole : il n’a qu’à proférer une phrase entre ses dents pour Ecrire une action quelconque. Ainsi, le mythe des sorciers vient-il des Marmonneurs…
Frédéric Mars a ainsi imaginé une véritable société, avec ses codes, ses particularités, ses personnages aux propriétés étranges, qui vont lui permettre de poursuivre cette saga sur plusieurs livres, en utilisant tous les codes des contes et du fantastique, des codes qu’il maitrise parfaitement.
Car bien sûr, il y a une quête : notre héroïne de Lara décide d’utiliser ses pouvoirs pour découvrir qui a tué sa mère alors qu’elle était encore une enfant. Et naturellement il y a aussi un méchant doté de pouvoirs extraordinaires (il peut par exemple s’incarner dans le corps de n’importe quelle personne). Nous commençons à en avoir un aperçu dans ce premier volume, de même que nous comprenons en quoi Lara est vraiment une héroïne, puisqu’elle semble dotée de pouvoirs exceptionnels qui vont se révéler pleinement dans les épisodes suivants.
L’écriture de Frédéric Mars est parfaitement adaptée à son projet : limpide, fluide, efficace, elle permet au livre d’être « dévoré » par de jeunes lecteurs (et sans doute par plus encore de lectrices) qui vont trouver là un monde à l’imaginaire foisonnant, dans lequel les adultes ne sont pas toujours les maitres, ou l’identification des lecteurs aux personnages sera maximale.
Mais je dois ajouter que malgré mon âge avancé je me suis également laissé prendre à cette lecture prenante et à cette histoire très plaisante. Peut-être est-ce là un signe de manque de maturité de ma part ? Possible, mais je préfère penser qu’un Ecriveur, quelque part dans une des salles de la cité lumineuse cachée sur l’île de Hometone, a décidé pour moi que ce livre me plairait et que je vous en parlerai. Preuve, s’il en était besoin, que Hometone est une réalité et que les Ecriveurs existent bel et bien.
Cette chronique a également été publiée
sur mon blog