Quatrième de couverture
Thomas Bishop avait dix ans quand il a tué sa mère.
Retrouvé au pied du poêle, un bout de chair carbonisé à la bouche, il a passé quinze ans en institut psychiatrique. Là, il a appris. A mentir. A cacher. Mais il est prêt. Le soir de son évasion, il pulvérise à la hache le crâne de son compagnon. On le croit mort. Il court les rues. Et c'est sous le nom de son malheureux partenaire qu'il terrorisera Los Angeles, Chicago, New York. Ses talents d'acteur, ses multiples identités, son visage d'ange jouent en sa faveur. Les filles sont retrouvées, une à une, massacrées. L'opinion s'offusque. On parle de rétablir la peine de mort dans plusieurs états. Les politiciens s'en mêlent, la mafia s'agite, la presse enquête. Parmi les journalistes, un nommé Adam Kenton fait des merveilles. Mais le monstre reste en liberté. Pour la société qui l'a créé et qui, aujourd'hui, souhaite sa mort, Bishop est l'homme à abattre. Le mal absolu. Son enfant.
Et dire que l’auteur, Shane Stevens, après 5 romans, est tombé dans l’anonymat !! C'est incroyable ! Avez-vous entendu parler de Caryl Chessman ? La réponse est oui ! Soit parce que vous êtes au fait de l’histoire des Etats-Unis, et que vous avez plus de .. ans, soit parce que vous avez aimé cette chanson. Au delà du mal est une sorte d’épopée (sanglante) et commence par braquer ses feux sur Caryl Chessman, aussi appelé « le violeur à la lampe rouge » Cet homme fût accusé de viols et de kidnapping sur une série de femmes et fut arrêté à la fin des années 40. Il passa plus de dix ans dans le couloir de la mort, à clamer son innocence, en écrivant notamment quatre livres dont Death row (couloir de la mort). caryl chessman 1948 0124 bob jakobs Malheureusement pour lui, son histoire arrivait juste après la guerre, dans une Amérique sur les dents, et à la suite également de l’affaire Lindbergh, dans laquelle l’aviateur héros (avec des côtés bien sombres tout de même…) avait vu son fils, un bébé, assassiné par ses ravisseurs. Dans ce contexte, les Etats-Unis n’auraient pas pardonné que l’on épargne la vie de Chessman. Celui-ci fut donc gazé en 1960.
Les US réfléchirent quelques temps à l’abolition de la peine de mort et il y eut un moratoire d’une dizaine d’années à partir de la fin des années 60, au cours duquel personne ne fut exécuté. Mais les traditions sont tenaces, là-bas comme ailleurs, et la peine capitale reprit bien vite du service. A ce jour, seule une dizaine d’Etats (en bleu sur la carte), dont l’Alaska, le New-Jersey, le Maine, ou le Dakota du Nord ont aboli cette macabre sentence. Il faut noter que même si constitutionnellement certains Etats ont conservé la peine de mort, celle-ci n’y est plus pratiquée. C’est le cas par exemple du Kansas. Toutefois, on pend, on électrocute, on gaze, on injecte dans de nombreux autres Etats encore aujourd’hui et, tenez-vous bien, ce phénomène n’est pas en régression puisque c’est la décennie des années 2000 qui a connu le plus d’exécutions depuis les années 60 ! Les nombreuses associations qui militent contre la peine de mort dans ce pays ont encore du pain sur la planche ! carte
Autant vous le dire tout de suite, Au delà du mal est un très grand roman (dans tous les sens du terme) Il ancre le parcours de Thomas Bishop dans l’actualité réelle de ces années là aux Etats-Unis. C’est peut être en partie ce qui fait la force de ce roman. Mais pas seulement. Il y a aussi ce style aux phrases courtes, quasi journalistique, et ce rappel constant à la psychologie de notre tueur. Celui-ci est né d’un viol, c’est en tous cas ce que lui rappelait sa mère constamment pour l’humilier tout au long de son enfance, en le « corrigeant » à coup de ceinture. Haine des hommes, rejet de son fils, il n’en fallait pas plus pour fabriquer un monstre. Thomas Bishop finit par brûler sa mère et atterrir dans un asile. Sa course folle à travers les Etats-Unis, d’une violence inouïe, va démarrer après ses 25 ans, dès lors qu’il s’évade de l’asile. Son intelligence, son adaptabilité, et sa folie vont le protéger, et déjouer les plans des policiers lancés à sa recherche. Le temps presse, parce qu’il laisse derrière lui de pauvres filles éviscérées, découpées en morceaux, croyant ainsi combattre le mal incarné dans la féminité. Un journaliste est intrigué par les meurtres de celui que l’on surnomme Chess Man (jeu de mots mettant en balance le jeu d’échecs – chess – et le célèbre Caryl Chessman dont Bishop se croit le fils). Il se passionne pour cette histoire, et décide d’enquêter pour le compte de son journal. L’intelligence et la perspicacité de Kenton instillent petit à petit l’espoir dans l’esprit du lecteur, qui, jusqu’à lors, pensait que Bishop n’avait pas de rival. Le duel devient passionnant et ce livre nous scotche littéralement au fil des pages. La traque s’avère incertaine, entre psychologie du tueur, analyse du journaliste, de la police, macabres découvertes, réflexions sur la peine capitale.
Un curieux sentiment s’installe. On a hâte de connaître le dénouement, mais surtout pas de finir ce livre de 890 pages, trop court ! Bien sûr, Au delà du mal est un coup de cœur inoubliable, un récit qui a fait date à sa sortie, et qui mérite sa place au Panthéon des plus grands romans noirs. Par contre, âmes sensibles, vous serez prévenues, c’est dur, très dur. Le seul inconvénient est de refermer le livre et de se dire « Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir lire après ça ? » … Du coup, j’enchaîne avec L’heure des loups, de … Shane Stevens !